Cette équipe tue les fascistes

en ce moment, le plus français de tous les français est un gamin noir d’origine algérienne et camerounaise nommé Kylian Mbappé.

Kylian Mbappe. (Via Twitter).

Je suis né à Metz à la fin des années 70 d’une mère martiniquaise et d’un père lorrain. J’ai toujours été conscient que la France est plus que blanche, plus qu’européenne, plus que ce pays blanc, et chrétien qu’on imagine par défaut. Pour expliquer l’existence de ma propre famille je me suis très tôt tourné vers l’histoire, et l’histoire que j’ai trouvé est faite d’exploitation, d’esclavage, d’abus, inconnus ou ignorés de la plupart des français. Être français dans ces circonstances pouvait être étrange ; mais être patriote ? Dans les années 80, il y avait peu d’endroits où le drapeau français était acceptable : en gros, les bâtiments officiels, les évènements sportifs, et les meetings fascistes et de droite. Pour un français d’origine antillaise comme moi, le drapeau était une source de colère : j’ai vite compris que je pourrais bien parler et écrire, souscrire aux valeurs française de liberté, égalité et fraternité, être attaché à la culture, peu importerait: il y aurait toujours des français pour me frotter leur drapeau tricolore dans la face et me rappeler que pour eux, et contre toutes les valeurs citées plus haut, je ne serais jamais vraiment français. Pendant les matchs de football, ces sentiments étaient à la fois sublimés et exacerbés : sur le terrain, des joueurs de couleur étaient plus visibles que nulle part ailleurs et adulés par des supporters susceptibles de leur cracher des insultes racistes en-dehors du stade.

Et donc la Coupe du Monde 1998 fut un peu bizarre. J’ai évité les foules et regardé à la maison.

Je n’étais pas particulièrement fier d’être français, mais je n’avais aussi jamais eu l’opportunité de revendiquer une autre identité. Mes liens avec la Martinique ne font pas de moi un Martiniquais. Je suis né et ai grandi dans un pays qui a du mal à me faire de la place. Comme la plupart des français d’origine afro-antillaise, je suis comme qui dirait un conscrit de la francité—pour paraphraser l’expression de David Scott conscrit de la modernité (Conscripts of Modernity) qu’il utilise pour décrire les relations délicates qui liaient Toussaint Louverture et les révolutionnaires haïtiens à la Révolution Française et ses valeurs avérées. Le football occupe une position unique dans ma relation à la France ; il fait partie de mon éducation : j’ai commencé à jouer à 7 ans et n’ai jamais arrêté. Le football est lié à la politique, la morale et l’histoire réelles, mais forme aussi un monde parallèle. Les allégeances footballistiques ne suivent pas parfaitement les cartes et les frontières ; elles révèlent plutôt une géopolitique individuelle. Je soutiens le FC Metz—l’équipe de ma ville natale ; je suis Arsenal—à tout jamais l’équipe de Petit, Pirès, Kanu, Overmars, Bergkamp, Wiltord, Vieira, et Henry, amen (et je ne mentionne pas combien d’anciens et futurs messins) ; je me méfie du PSG, de Chelsea et de la Lazio, des équipes que je lie, à tort ou à raison, à leurs supporters fascistes passés et présents ; je soutiens toutes les équipes africaines parce que je veux qu’elle donnent une leçon au monde entier, et je célèbre la beauté en football partout où elle apparaît, ne serait-ce qu’un instant. Et je soutiens aussi la France (l’équipe) malgré la France (le pays), pour le drapeau imaginaire que la première brandit à la face de la seconde.

En résumé : Je supporte la France, mais la France m’insupporte.

En 1999, j’ai quitté la France pour les Etats-Unis, d’abord pour un an, et finalement pour de bon. Pas que les relations raciales soient meilleures aux Etats-Unis qu’en France ; mais là-bas, au moins, je serais véritablement un étranger.

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